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Les plantes oubliées
18 octobre 2013

Le témoignage d'Astrid sur les effets du vaccin H1N1...

Témoignage d'Astrid


Astrid a déclenché une narcolepsie-cataplexie « atypique » brutale à la suite d'un vaccin contre le H1N1. Et il aura fallu près de 7 ans pour que cet effet secondaire du vaccin H1N1 soit officiellement admis ! Ces 7 ans Astrid vous les raconte aujourd'hui.  



« Bonjour, 

En 2007 j'ai suivi un traitement préventif contre le H1N1 et ai subitement déclenché, à l’âge de 27 ans, une narcolepsie-cataplexie "atypique" brutale. 

Une récente étude vient enfin confirmer que le déclenchement de cette maladie rare est lié au traitement anti-grippe H1N1. J'aimerais apporter mon témoignage empreint d'espoir

Tout a démarré après le traitement. 

Une journée de travail comme les autres. J’arrive à la banque, je reçois mes clients en rendez-vous. Puis je les raccompagne et regagne mon bureau. Et je tombe à genoux, puis très vite mon visage heurte le sol et je me retrouve face contre terre, totalement paralysée. Je ne suis pas inconsciente, j’entends tout ce qui se passe autour de moi : le sas de l’agence qui s’ouvre et se ferme, la compteuse qui brasse les liasses de billets, les pas qui résonnent sur le carrelage jusqu’à mon oreille plaquée au sol. 

Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Jamais de ma vie, même enceinte jusqu’au cou en pleine canicule, jamais je n’ai eu un seul vertige ou étourdissement, alors m’évanouir ainsi… ça doit forcément être grave… malgré cela, je me sens étonnamment détendue, tellement détendue, envie de dormir même, je m’abandonne malgré moi.

Puis un bruit plus fort que les autres me sort de mon « comas » et je réalise que je suis toujours au sol. 

J’ai froid. 

J’entends mon collègue du guichet parler aux clients. Mon bureau est juste à côté, mais sa configuration fait qu’il ne me voit pas et ne peut me venir en aide. J’essaie de bouger mais mon corps ne répond pas. 

Je suis paralysée. 

Mon cœur s’emballe, la peur me saisit. 

Je voudrais crier « au secours » mais ma mâchoire reste immobile. Ma bouche est entrouverte, un son pourrait en sortir... mais je n’ai pas de souffle, même ma cage thoracique ne suit pas. 

J’halète. 

Sans pouvoir articuler, je parviens à émettre un râle dans un effort ultime. 

Pas assez fort. 

Je répète l’effort et Bernard, le guichetier que je n’avais de cesse d’appeler phonétiquement arrive à mon secours. 

Je n’ai de souvenir de la suite que par bribes. Les pompiers, l’hôpital, les examens qui ne révèleront rien, le diagnostic bateau du malaise vagal et le « reposez-vous » qui me ramènera la maison aussi vite. 

Sitôt rentrée, sitôt retombée. Les chutes en cataplexie rythmeront mon quotidien depuis ce premier « malaise », et à une cadence désœuvrante : jusqu’à dix, quinze fois par jour. Un médecin comparera mes genoux à ceux des footballeurs américains tant ils étaient meurtris, tuméfiés par les chutes répétées. 

Ma vie a rapidement basculé. Je suis devenue totalement dépendante des autres du jour au lendemain, mes malaises répétés ne me permettant plus de conduire par crainte d’un accident, de traverser une route seule au risque de me faire rouler dessus si je m’évanouissais au milieu de la chaussée, de porter mon bébé de peur de lui tomber dessus moi-même… 

Après avoir enchaîné des hospitalisations sans diagnostic précis pendant plus de six mois, m'être entendu expliquer que mes symptômes relevaient de l'hystérie et que la cause était donc psychiatrique, subi toutes sortes de traitements aux effets secondaires plus dévastateurs que les seuls symptômes du mal dont je souffrais… Après avoir cru au diagnostic d’hystérie, pensé que je devenais folle, pensé en finir pour mettre un terme à mes souffrances, puis avoir finalement conclu que, le fou s’ignorant, je ne pouvais l’être et que donc la réponse était ailleurs, j’ai entrepris de me sauver. 

Je me suis mise en quête d’un autodiagnostic. Grâce aux blogs, j’ai mis un nom sur le mal dont je souffrais, par rapprochement des symptômes dont la liste entière m’était propre : somnolence, fatigue excessive, insomnies, paralysie au réveil, rêves éveillés, troubles de la mémoire, perte de tonus musculaire, chutes… 

La narcolepsie est une maladie rare, d’origine génétique dans 80 % des cas, causant de graves troubles du rythme du sommeil et en particulier les excès de somnolence diurne. 

Le malade peut se retrouver plongé dans un sommeil profond de manière subite, même en pleine activité. Dans sa forme la plus grave, la narcolepsie est accompagnée de cataplexies, épisodes de perte de tonus musculaire subits causant des chutes brutales. Le malade tombe alors tel « une poupée de chiffon ». 

Dans de rares cas, comme suite à un événement traumatique, si la zone hypothalamo-hypophisaire est touchée – partie du cerveau régulant les états de veille et de sommeil – une narcolepsie « atypique », c’est-à-dire non génétique, peut être déclarée. Dans mon cas, une microlésion au niveau de l’hypophyse a été détectée à l’IRM et pouvait expliquer mes troubles. 

Cependant, je n’avais subi aucun traumatisme. Mes malaises ayant démarré à l’issue du traitement contre la grippe H1N1, j’ai entrepris de recouper la survenance de mes symptômes avec ce traitement. Je suis tombée en émoi en lisant les blogs et premières études étrangères sur le sujet, exposant les graves effets secondaires de traitements anti-grippe H1N1 répertoriés à travers le monde. Parmi ces effets secondaires listés outre-Atlantique, la narcolepsie-cataplexie. 

En cause prétendue, l’oseltamivir, substance contenue dans les traitements antiviraux dispensés en prévention du H1N1. Une étude sur des rats a permis d’illustrer que l’oseltamivir était capable de traverser la membrane cérébrale, et donc susceptible de causer des dommages irréversibles au cerveau. 

Insuffisant toutefois aux yeux des spécialistes pour relier la survenue de la narcolepsie-cataplexie à la prise de ce traitement.

J’étais convaincue du contraire. Je fus ainsi admise dans le service du professeur X, « le » spécialiste européen de la narcolepsie. Lui-même invalidait ce diagnostic après quelques questions, dont mes réponses, non académiques, me dispensèrent du moindre examen.Il me pria de cesser vouloir à tout prix souffrir de cette maladie dont « il » savait mieux que moi qu’elle ne pouvait être que d’origine génétique.

Il me transféra en psychiatrie, mettant mes malaises sur le compte d’une hystérie. J’étais donc officiellement recalée. Plongée dans un profond désespoir, je perdis 9 kilos dans la semaine qui suivit. N’était-ce finalement pas lui qui avait raison : et si je souffrais vraiment d’hystérie ? Mais alors, pourquoi les psychotropes dont j’ai été gavée ne solutionnaient rien ?! Pire encore, les attaques de cataplexie se multipliaient. Les mois passaient et mon état ne s’améliorait pas. Le problème était ailleurs. 

Moi, fille de militaire, élevée à coups de pieds aux fesses, je ne me reconnaissais pas dans la thèse de la défaillance psychique. Je suis une battante née, une éternelle optimiste. Mes échecs, je les surmonte ; les obstacles, je saute par-dessus. Alors le diagnostic du « burn-out » au boulot et de l’hystérie pour qu’on s’occupe de moi, non, je ne pouvais le concevoir. Par contre, oui, j’ai pensé commettre l’irréparable pour mettre un terme à tout ça, mais à l’instant même où je l’envisageais, je voyais le visage de ma fille, de mes parents, à qui je ne pouvais infliger une telle peine. C’est dire le sens du sacrifice qui m’animait et qui ne collait pas avec l’état d’esprit victimisant qu’aurait nécessité le profil de ces diagnostics. 

Et si c’était moi qui avais raison ? Et si je souffrais réellement de narcolepsie-cataplexie ? 

A bien y regarder, j’en avais tous les symptômes. Mais je ne pouvais souffrir de cette pathologie car, selon les conventions, il eût fallu pour cela que je déclarasse les symptômes de manière plus académique : que j’aie été à l’adolescence (période à laquelle la maladie se déclare habituellement) plutôt rêveuse aux yeux des professeurs, taxée de fainéantise par mes parents, mieux encore en échec scolaire et en marge socialement (les éternels fatigués ne sont pas de bonne compagnie)… , et qu’enfin les analyses révélassent que j’étais porteuse du gène HLA « je ne sais quoi », en cause dans 80 % des cas. 

Pauvre de moi, je ne rentrais dans aucune de leurs cases. Vint l’idée de servir à ces « têtes d’ampoule » le scénario requis pour être prise au casting. Connue dans les principaux hôpitaux de la région, et afin de me présenter « vierge » de tout dossier médical contre-validant ma théorie de diagnostic, j’obtins anonymement une visite dans un centre spécialisé en troubles du sommeil dans un CHU de la région voisine. 

J’y rencontrai un professeur, lui décrivis mon quotidien, mes symptômes, et répondis aux questions du Tilt Test (test permettant de définir le niveau de somnolence). Score : 17 sur 20. I win naturellement, et sans le peu de mensonge sur le contexte de déclenchement – « oui oui, déjà enfant je dormais tout le temps » –.


J’obtins un diagnostic fracassant : narcolepsie-cataplexie. Le médecin, me vit d’ailleurs prise d’une attaque de cataplexie en cours d’auscultation et fut formel du fait de la spécificité de la chute (façon on/off, coupure du courant au niveau cérébral et démembrement du corps). J’obtins un premier traitement et un RDV pour des examens plus poussés devant permettre d’ajuster la posologie. Quelques électro-encéphalogrammes plus tard, je fus officiellement déclarée à la Sécurité Sociale en « affection longue durée » prise en charge à 100 % au titre de cette maladie « auto-immune » rare. La reconnaissance ultime. 

Ma satisfaction fut courte. J’ai commencé à perdre mes cheveux par poignées, à prendre du poids (+ 15 kilos). Je réalisai vite que les traitements n’étaient pas miraculeux. Certes je tombais moins souvent, mais pour autant je n’étais pas moins distractible. Je ne pouvais toujours pas me concentrer. Lorsque je lisais, j’arrivais à la fin d’une phrase sans m’en rappeler le début ! Comment allais-je élever mon enfant ? N’allais-je plus pouvoir jamais retravailler ?Comment allions-nous faire face aux traites ? J’appris alors que je pouvais prétendre à une allocation-handicap et toutes les réjouissances de rigueur. Ce fut un choc. 

J’ai perdu mon mari, mon emploi, ma maison, rejoint le domicile de papa maman du fait de la précarité de ma situation et de mes défaillances de mère, absente bien que présente, toujours dans un monde parallèle. Imaginez vivre en permanence dans un état semi alcoolisé. La tête qui résonne, les réflexes qui se perdent, l’impression de vivre les scènes au ralenti, faire répéter son entourage car le cerveau n’imprime pas ce qu’il entend… Voilà le quotidien qui fut le mien pendant quatre années. 

L’amour de mes parents et une hygiène de vie irréprochable m’auront permis de me maintenir à un niveau plus ou moins satisfaisant, et à raison d’un comprimé de Midiodal toutes les trois heures. Dopée comme une bête de somme. Et pourtant tout juste bonne à tenir debout sans canne. 

Sept années se sont écoulées depuis que j’ai déclenché cette pathologie. Aujourd’hui, je suis heureuse de dire que c’est grâce à cet épisode malheureux que j’ai renoué des liens dorénavant indestructibles avec ma famille, en particulier mes parents qui m’ont recueillie et soignée, tel un oisillon tombé du nid ; et rencontré David, un homme merveilleux qui m’a redonné goût à la vie. 

Après tant d’épreuves, je sais apprécier, grâce au ciel, le seul plaisir d’un rayon de soleil sur ma peau. Je suis heureuse de témoigner que je me suis sortie de tout cela. Passé la reconnaissance du corps médical, j’ai tout envoyé valser, le rapport bénéfice/désagréments des traitements m’amenant à cesser totalement ceux-ci

Je ne puis dire que j’ai repris ma vie d’avant, mais je mène une vie active et familiale normale en apparence. Et je tombe en cataplexie en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Ce que je souhaite révéler c’est que j’ai domestiqué ma pathologie. A raison d’une hygiène de vie irréprochable et d’une force de volonté réelle, je suis parvenue à reprendre le cours des choses sans traitement aucun. J’ai appris à anticiper mes malaises et, pour ceux que je ne peux éviter, à recouvrer mes capacités physiques rapidement. 

J’ai réintégré la vie active et me fonds dans la masse salariale moyennant quelques mensonges : j’ai des « empêchements » au déjeuner avec les collègues pour la sieste réparatrice imposée, une babysitter qui fait faux-bond lors des soirées car il est inimaginable de troubler le rythme du sommeil en se couchant tard, je n’ai pas d’horaires compatibles pour accompagner les copines au sport car il serait suicidaire de fournir des efforts musculaires… et si je suis prise d’une attaque de cataplexie au bureau, je prétexte une hypoglycémie. 

Lorsqu’il m’arrive de ne pouvoir me lever pour aller travailler (la moindre fatigue est rapidement décuplée) je prétexte un enfant malade et me repose grassement en échange d’un jour de congé. Et cela marche. J’ai repris ma carrière là où je l’avais arrêtée et je suis aujourd’hui directrice d’une agence bancaire. 

La récente étude concluant formellement au lien de cause à effet entre les traitements antiviraux H1N1 et les cas de narcolepsie sonne le glas. Cette reconnaissance me permettra-t-elle enfin de faire le deuil de ma vie d’avant ? 

En effet, un médecin a fini par conclure un jour, et par défaut, à l’intoxication médicamenteuse comme origine de la lésion ayant causé mes troubles, et un autre m’a confirmé le diagnostic de la narcolepsie-cataplexie atypique. 

Mais en dépit de cela, oui, j’ai besoin de m’entendre dire que je suis victime, victime de ce médicament, et non de moi-même comme cela me fut assuré si souvent. 

Et enfin, j’ai besoin de diffuser mon message d’espoir. Car à l’annonce du recensement des autres victimes de ces effets secondaires, je ne peux m’empêcher de penser aux traversées du désert que chacun entame dans son univers. 

Je souhaite que mon expérience, heureuse dans sa conclusion, permette à certains de garder espoir et de se battre pour que leur vie reprenne son cours. » 

Astrid B.  

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